Coût social du bruit en France
14/06/2016
Plus de 57 milliards d’euros par an
Christophe Bouillon, Président du Conseil National du Bruit, Député de Seine-Maritime, et Vice-président de la commission développement durable et de l’aménagement du territoire, a présenté ce matin en conférence de presse puis devant l’Assemblée plénière du Conseil National du Bruit les résultats d’une étude qui évalue à plus de 57 milliards d’euros par an le coût social des pollutions sonores en France.
En septembre 2013, le Conseil National du Bruit (CNB), avait inscrit dans son programme de travail « l’approche économique du bruit » et notamment l’évaluation des coûts induits par le bruit. L’étude confiée à EY par l’ADEME et le CNB, s’inscrit dans le cadre de ces travaux, et a pour objectif de consolider et d’améliorer les connaissances des décideurs publics et privés sur les conséquences financières directes et indirectes de l'exposition au bruit.
Comme Christophe Bouillon l’a précisé, il s’agit « du premier chiffrage du coût social du bruit qui tienne compte de la diversité des expositions et de leurs effets ». En compilant et analysant les données disponibles, l’étude s’est ainsi intéressée à différents domaines : le bruit généré par les transports qui expose significativement plus de 25 millions de personnes en France dont 9 millions à des niveaux critiques pour leur santé, mais aussi le bruit en milieu professionnel, en milieu scolaire, ou encore les bruits de voisinage. En agrégeant des coûts de nature très différente (coûts des impacts sanitaires, coûts de dépréciation immobilière ou pertes de productivité au travail), la facture obtenue de 57 milliards d’euros par an apparaît pour Christophe Bouillon comme un « chiffre important, certains diront peut-être même effrayant, en tout cas il s’agit d’un chiffre prudent », compte tenu de l’approche méthodologique qui a été mise en œuvre, certains postes comme le bruit dans les moyens de transport, lors des loisirs ou les effets cumulatifs des expositions par exemple n’ayant pas pu être quantifiés à ce stade, faute de données suffisantes.
Ainsi, il apparaît que le coût induit par le bruit des transports est évalué à 20.6 milliards d’euros par an, ne prenant en compte que l’exposition des personnes à leur domicile, et correspondant pour moitié (soit 11,5 milliards d’euros par an) à la valorisation économique des années de vie en bonne santé perdues (évaluées selon la méthodologie proposée par l’OMS) du fait des troubles du sommeil, de la gêne ou des risques cardiovasculaires accrus, et pour l’autre moitié aux de pertes de valeurs immobilières (7 milliards d’euros par an), aux pertes induites de productivité (1,7 milliard d’euros par an) et de troubles de l’apprentissage (0,3 milliard d’euros par an).
Avec un coût de 19.2 milliards d’euros par an, l’exposition au bruit en milieu professionnel est aussi un problème dénoncé par 58% des salariés, soit 14 millions de personnes en France (selon une étude de Malakoff Médéric). Les conséquences vont de la surdité professionnelle (85 millions d’euros chaque année), au coût des accidents du travail liés au bruit (masquage des signaux d’alerte, détournement d’attention) (1,1 milliards d’euros par an) sans oublier la perte de productivité (baisse de performance dans les tâches cognitives, dégradation de la satisfaction au travail, perte de concentration) qui est à l’origine du coût le plus élevé (18 milliards d’euros par an).
En ce qui concerne les conséquences du bruit en milieu scolaire, en supposant, en l’absence de valeur issue de la littérature, que 20% de la part du décrochage scolaire soit expliquée par les nuisances sonores, le coût social du bruit en salle de classe serait de l’ordre de 6,3 milliards d’euros par an.
Enfin, le coût des bruits de voisinage, qui figurent comme la source de gêne sonore la plus souvent citée par les Français avec les bruits des transports (cf. sondage « Les Français et les nuisances sonores » publié en septembre 2014 par l’IFOP), a pour la première fois pu être estimé, à titre indicatif, à 11.5 milliards d’euros par an, en ne considérant que les impacts sanitaires pour les individus exposés, mais pas la perte de valeur immobilière.
Ainsi comme l’a souligné Christophe Bouillon, « cette étude permet de mettre en balance les externalités négatives des pollutions sonores avec le coût financier des mesures d’atténuation du bruit connues et éprouvées (par exemple, revêtements routiers phoniques, murs anti-bruit, isolement de façade, traitement acoustique des bâtiments scolaires, d’habitation, ou de santé…) et les bénéfices sociaux qui pourraient en découler (ex. diminution de la gêne et des troubles du sommeil liés au bruit des transports, …) ». Les résultats de cette étude méritent ainsi d’être mis en perspective avec ceux, d’une autre étude réalisée par BEAUVAIS Consultants pour l’ADEME, concernant le financement du traitement des points noirs du bruit routier, pour un coût total évalué à 6 milliards d’euros et pouvant être étalé sur dix ou vingt ans.
Pour conclure, Christophe Bouillon a appelé de ses vœux une prise de conscience collective de la priorité qui doit être accordée à la lutte contre le bruit, qui a bien souvent, par le passé, été le parent pauvre des politiques environnementales. Selon lui, nul doute n’est possible à présent pour affirmer que « le bruit doit être pris en considération au même titre que la pollution de l’air ou le dérèglement climatique par les pouvoirs publics. Ce rapport doit faire bouger les lignes car ce qui coûte cher, c’est de ne rien faire. »