Effets extra-auditifs
Les effets extra-auditifs du bruit peuvent se manifester pour des expositions à des niveaux rencontrés dans l’environnement. Les mécanismes d’action sont complexes.
D’une part, une stimulation acoustique constitue une agression de l’organisme et engendre une réponse non spécifique, qui dépend des caractéristiques physiques du bruit (intensité, fréquence, durée). D’autre part, le bruit est une notion subjective et la réaction à une stimulation sonore est influencée par des représentations individuelles (utilité des sources, bruit choisi ou subi, contrôle des sources…).
C’est pourquoi les effets extra-auditifs du bruit peuvent généralement être classés en deux catégories :
Effets subjectifs, pouvant entraîner une gêne, et donnant lieu à une perception individuelle.
Effets objectifs, c’est-à-dire pouvant être mesurés selon des critères applicables à tous les individus :
- effets sur le sommeil
- effets sur le système endocrinien
- effets sur le système cardio-vasculaire
- effets sur le système immunitaire
- effets sur la cognition (données sur l’enfant)
- effets psychologiques.
Schéma des effets extra-auditifs du bruit selon W. Babish, 2002
Il est possible également de distinguer les effets selon qu’ils se manifestent à court terme ou à moyen/long terme. La gêne, les perturbations du sommeil et les difficultés de concentration sont considérées comme des effets de court terme car ils se manifestent immédiatement ou peu de temps à la suite de l’exposition au bruit. Les effets cardio-vasculaires et les effets sur les performances cognitives apparaissent dans le cadre d’une exposition chronique et sont donc considérés comme des effets de plus long terme.
Schéma des effets extra-auditifs court et long terme selon l’OMS, 2017
Au cours des deux dernières décennies, de nombreuses publications ont établi un lien entre exposition au bruit dans l’environnement et problèmes de santé. A noter toutefois que les études ont essentiellement été réalisées sur des populations soumises au bruit des transports et qu’aucune n’a été référencée concernant les bruits de comportements ou de loisirs bruyants.
Les impacts sanitaires qui sont aujourd'hui les mieux documentés et reconnus sont les suivants : la gêne, les effets sur le sommeil, le système cardio-vasculaire ainsi que les troubles dans les apprentissages. Ces effets sont particulièrement enchevêtrés.
Imbrication des principaux effets extra-auditifs du bruit entre eux (d’après Y. Remvikos)
La gêne
Selon l’OMS, la gêne peut se définir comme « une sensation de désagrément, de déplaisir, provoquée par un facteur de l’environnement (le bruit, par exemple) dont l’individu ou le groupe connaît ou imagine le pouvoir d’affecter sa santé » (OMS, 1980).
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Appelé couramment « gêne sonore », le trouble dû au bruit est une sensation de désagrément venant perturber les activités de tous les jours et entraînant rapidement irritation, fatigue puis épuisement et souffrances psychophysiologiques pouvant à leur tour susciter des réponses négatives telles que la colère, l’agressivité.
Chaque individu a sa propre perception du bruit. Le trouble qu'il ressent est le résultat de facteurs liés au bruit enduré (intensité sonore, émergence par rapport au bruit de fond, répétitivité du bruit, spectre, durée) mais également de facteurs contextuels et individuels tels que la période de la journée pendant laquelle le bruit survient, le caractère subi ou choisi du bruit, l'image positive ou non que la personne a de la source sonore, son histoire personnelle et ses habitudes socio-culturelles, son âge... Le bruit non choisi engendre, chez celui qui le subit sans pouvoir le faire cesser, un état hautement perturbant. S’il se prolonge, il devient une source de stress important qui entraîne, chez la plupart des individus, une dégradation rapide du comportement et de leur santé physique et mentale à plus ou moins long terme.
Afin de caractériser la gêne, les études sont effectuées à l’aide de questionnaires à la fois en laboratoire et en situation réelle. Les nombreuses enquêtes réalisées ont montré pour la plupart qu’il est difficile de fixer le niveau précis où commence l’inconfort et ont souligné le caractère variable du lien existant entre les indicateurs de gêne et l’intensité physique du son.
Relations dose-réponse entre exposition au bruit (indicateur Lden) et gêne de long terme (% de personnes se déclarant hautement gênées par le bruit – HA : highly annoyed) (source : OMS 2018)
Pour en savoir plus :
Analyse systématique des relations entre bruit dans l’environnement et gêne conduite par l’OMS.
Les effets sur le sommeil
Le sommeil est une nécessité biologique pour maintenir le fonctionnement optimal du corps humain, son niveau de vigilance et le bien-être.
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Le bruit peut altérer tant la durée que la qualité du sommeil en générant différents troubles : retard à l’endormissement, augmentation du nombre et de la durée des éveils nocturnes conscients ou inconscients, réduction de la durée totale du sommeil, modifications des différentes phases du sommeil avec une diminution du sommeil lent profond qui est le plus réparateur et des phases de sommeil paradoxal. Les dernières études montrent que les bruits générés par les différents modes de transports (rail, route, aérien) génèrent les mêmes risques de perturbations du sommeil, pour un niveau d’exposition équivalent.
Hypnogramme d’un jeune adulte lors d'une nuit perturbée par le bruit (l’efficacité du sommeil n’est ici que de 83%) - Avec en ordonnées : REM : « rapid eye movements », abréviation pour REM sleep ou en fançais « sommeil avec mouvements oculaires rapides » souvent appelé « sommeil paradoxal » ; 1à 4 : stades 1 à 4 de sommeil lent.
Un sommeil de mauvaise qualité peut avoir à court terme de graves répercussions sur la vie quotidienne en entraînant somnolence, baisse de l'attention et des performances et en exposant ainsi les personnes à des risques plus importants d'avoir un accident de la route ou du travail.
Mais il a également des répercussions importantes sur le long terme. En effet, l’exposition nocturne au bruit provoque des réactions physiologiques d’activation du système nerveux autonome se traduisant par une accélération de la fréquence cardiaque, l’augmentation de la pression artérielle, des perturbations endocrines et métaboliques (diminution de la tolérance au glucose, augmentation de l’appétit et du cortisol). Ces anomalies aiguës peuvent, par leur répétition, avoir des conséquences chroniques sur le mécanisme métabolique (surpoids, diabète de type 2) ainsi que sur le système cardiovasculaire, et entraîner une élévation du risque de survenue d’infarctus du myocarde.
Il est important de noter que sur le plan des réponses autonomes biologiques du corps, il n’existe pas de phénomène d’habituation au bruit avec le temps, et ce, quel que soit le type de bruit. Le stress physiologique perdure de manière répétitive, même pour les individus qui déclarent s’y être accoutumés (exemple : riverains d’une voie ferrée ou d’une autoroute qui disent « ne plus entendre les bruits » au bout de quelques semaines).
De nombreuses études épidémiologiques dans le monde ont permis de mettre en relation les perturbations du sommeil déclarées avec les niveaux d’exposition au bruit nocturne. Il en ressort les relations présentées dans le graphique ci-dessous.
Relations dose-réponse entre exposition au bruit nocturne (indicateur Ln) et perturbations du sommeil (% de personnes se déclarant hautement perturbées dans leur sommeil – HSD : highly sleep disturbed) (source : OMS 2018)
Pour en savoir plus :
Les effets sur les systèmes endocrinien, cardiovasculaire et immunitaire
Les nuisances sonores peuvent provoquer des réactions non spécifiques de stress physiologique qui entraînent la libération excessive d’hormones telles que le cortisol ou les catécholamines (adrénaline, dopamine) ainsi que d’acides gras libres.
L’augmentation de ces éléments entraîne à leur tour divers effets cardiovasculaires comme l’hypertension artérielle, le risque d’infarctus du myocarde, ainsi que des modifications du métabolisme pouvant engendrer des risques accrus de diabète de type 2 et d’obésité.
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Les effets à long terme de l'exposition chronique au bruit à des niveaux élevés ont été étudiés chez l'animal, montrant des changements permanents et des altérations vasculaires dans le muscle cardiaque, qui indiquent un risque accru de mortalité cardiovasculaire. Les études épidémiologiques menées sur l’exposition des travailleurs ont montré que les employés travaillant dans des environnements très bruyants ont un risque plus élevé d’avoir de l’hypertension et un infarctus du myocarde. Ces études chez l’homme et l’animal sont concordantes et indiquent que l’élévation du taux nocturne de cortisol peut avoir des conséquences sur le système cardio-vasculaire, telles que l’élévation de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle, ou encore des troubles du rythme cardiaque. Des études épidémiologiques en population générale ont également montré que le risque de développer une hypertension artérielle est augmenté par une exposition importante aux bruits du trafic routier ou du trafic aérien. A noter que peu d’études en la matière ont été réalisées sur des populations soumises au bruit du trafic ferroviaire.
Relations dose-réponse entre l’exposition au bruit routier (RTN) et au bruit aérien (AN) et les maladies cardiovasculaires (Source : Basner et al. 2014)
Les modifications induites par le bruit au niveau endocrinien peuvent entraîner également une atteinte des défenses immunitaires. Des études indiquent que le stress prolongé pourrait entraîner, du fait de la sécrétion excessive de cortisol, une atrophie de l’hippocampe, structure nerveuse d’importance majeure.
Pour en savoir plus :
Les effets sur la cognition
Outre la fatigue et la perte de concentration, se pose la question de l’altération de la fonction cognitive. Des études épidémiologiques ont montré qu’il existe une relation linéaire entre l’exposition des enfants au bruit d’avion et des troubles cognitifs dans la compréhension de la lecture et la mémoire.
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Les études expérimentales ont précisé comment les processus de mémorisation étaient altérés par le bruit. En effet, dans une salle de classe, il est vivement recommandé que le bruit de fond soit inférieur à 35 dB(A) pour que les élèves situés au fond de la classe puissent entendre avec une bonne intelligibilité la parole de l’enseignant et comprendre clairement les messages. Avant l’âge de dix ans les enfants sont en plein développement phonologique, surtout de trois à sept ans, où ils acquièrent les subtilités du vocabulaire, l’intelligibilité est donc primordiale à cette période.
Compréhension d’un message parlé en fonction du rapport Signal/Bruit et de la prévisibilité du message (d’après R. Gamba)
Pour en savoir plus :
Les effets psychologiques
L’exposition au bruit aurait une influence sur la réponse au stress et le bien-être psychologique. En effet, différentes études menées autour de l’aéroport de Schiphol au Pays-Bas suggèrent que le bruit influerait sur le développement ou la révélation de troubles mentaux. Le bruit est par ailleurs considéré comme la nuisance principale chez les personnes présentant un état anxiodépressif. La présence de ce facteur joue un rôle déterminant dans l’évolution et le risque d’aggravation du syndrome.
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De nombreuses études ont montré une augmentation des consultations et des hospitalisations psychiatriques ainsi de la consommation de médicaments à visée neuropsychiatrique parmi les riverains d’aéroports. Stansfeld et Haines pensent que le bruit n’est probablement pas associé à l’existence de troubles mentaux marqués chez l’enfant, mais que celui-ci peut toutefois affecter son bien-être, contribuer à l’état de stress chez celui-ci et entraîner des niveaux plus élevés de détresse psychique.
Il convient toutefois de mentionner que ces études sont confrontées à la difficulté de dissocier les effets liés au statut socio-économique des populations exposées au bruit.
Recommandations de l’OMS
Dans son rapport publié en 2018 sur les lignes directrices concernant le bruit dans l’environnement pour la région Europe, l’OMS recommande fortement, pour protéger la santé des populations, de réduire l’exposition au bruit aux niveaux recommandés suivants :
Recommandations de l’OMS pour protéger la santé des populations (source : OMS 2018)
Valeurs limites réglementaires
La France a par ailleurs adopté des valeurs limites réglementaires dans le cadre de la loi bruit de 1992 et de la transposition de la directive européenne 2002/CE/49.
Valeurs limites réglementaires prises par la France pour les différentes sources de bruit des transports et des installations industrielles