Rapport d'information parlementaire sur les nuisances aéroportuaires
6/04/2016
Mercredi 16 mars 2016, les députés Jacques Alain Bénisti (LR, Val-de-Marne) et Christophe Bouillon (SRC, Seine-Maritime), également président du Conseil national du bruit, ont présenté leur rapport d'information sur les nuisances aériennes en commission du développement durable de l'Assemblée nationale.
Ils y font tout d'abord part une synthèse des différentes problématiques (nuisances sonores, pollution atmosphérique, pollution de l'eau et pollution lumineuse) ainsi que de leurs conséquences sanitaires et socio-économiques.
Ils soulignent ensuite l'insuffisance de la prise de conscience de la part des compagnies, des gestionnaires d'aéroports et des pouvoirs publics de l'importance de ces sujets et le manque de stratégie de long terme qui a prévalu durant les dernières décennies.
Conscients que les enjeux environnementaux vont prendre une place de plus en plus importante en matière de stratégie aéroportuaire, les deux députés formulent 47 recommandations qu'ils qualifient de "réalistes et ambitieuses" pour limiter les nuisances à l'avenir, prendre davantage en compte l'avis des riverains des plateformes, renforcer la fiscalité sur la base du principe pollueur-payeur ou encore limiter les nuisances nocturnes. Ces 47 propositions sont regroupées autour des thèmes suivants :
- Mettre en place un schéma national des infrastructures aéroportuaires.
- Remédier aux lacunes dans la production des données : les rapporteurs proposent notamment de mieux mesurer les nuisances en réalisant une cartographie de la gêne pour mieux identifier la totalité de la population survolée. De même, la mise à disposition des données de la DGAC à Bruitparif permettrait d'identifier l'altitude des avions en parallèle de leur niveau sonore. Les données de Bruitparif pourraient également être croisées avec les densités de population afin de mettre en place un indicateur global. Autre recommandation : le périmètre ouvrant droit à l'insonorisation devrait être modulé selon le nombre d'avions dépassant un certain niveau de bruit (NA). Enfin, les rapporteurs souhaitent voir les missions de Bruitparif dans le domaine des nuisances aéroportuaires consolidées et son financement maintenu en clarifiant les rôles respectifs de l'Etat et de la Région.
- Améliorer l’information des riverains : le rapport suggère ainsi d'inclure clairement les informations sur les nuisances sonores aéroportuaires dans les promesses de vente ou les baux locatifs des zones impactées. Les rapporteurs réclament par ailleurs que les enquêtes publiques soient réalisées en bonne et due forme avant chaque modification de trajectoires et survol de nouvelles populations.
- Revoir l’aide à l’insonorisation et son financement : sur ce sujet, le rapport suggère d'harmoniser les procédures et de mettre en oeuvre une approche conjointe entre isolation acoustique et isolation thermique. Mais surtout, les élus recommandent de créer une nouvelle fiscalité basée sur le principe pollueur-payeur. En effet, la taxe sur les nuisances sonores aéroportuaires (TNSA), affectée aux travaux d'insonorisation, n'est plus efficiente, surtout depuis qu'elle a été plafonnée dans la loi de finances. Pour résorber les dossiers instruits mais non financés, ils proposent qu'ADP souscrive un emprunt dont le remboursement sera assuré par le relèvement de la fiscalité. Ils suggèrent aussi de permettre une vision dynamique des territoires inclus dans les PEB et les PGS, avec une extension maîtrisée, sous le contrôle du préfet du département.
- Limiter les vols de nuit à Paris-CDG : sur ce sujet, les deux députés ne retiennent pas l'interdiction de ces vols qui apparaît impossible pour des raisons économiques, mais suggèrent plutôt un renforcement de leur encadrement. Il s'agirait tout d'abord de mettre en oeuvre dans les meilleurs délais les propositions du rapport du préfet Guyot (généralisation des descentes douces entre 0h30 et 5h, alternance régulière des travaux de maintenance des pistes, veiller à la ponctualité des vols sur les marges de nuit, améliorer l'information des riverains). Les députés proposent également de développer un système indépendant de stations de mesures, associé à Bruitparif sur l'ensemble du territoire aéroportuaire de Paris-CDG, afin d'objectiver la situation à partir du bruit réellement mesuré, d'interdire les avions générant au sol des niveaux qui excèdent 70 dB(A) entre 22h00 et 6h00, de mettre en place une suppression rapide des vols commerciaux entre 00h00 et 5h00, et de faciliter la réalisation du projet Euro Carex qui doit permettre le report modal d'une partie du fret avionné.
- Optimiser les trajectoires : sur ce point, les rapporteurs insistent pour que la procédure de la descente douce continue soit déployée le plus possible et que les trajectoires soient optimisées pour gêner le moins de personnes possible en évitant de survoler les zones les plus densifiées. Les députés attirent particulièrement l'attention sur le cas de l'aéroport d'affaire de Paris-Le-Bourget dont les nuisances devraient être limitées soit par un transfert vers Paris-CDG, soit par la reconfiguration des trajectoires pour épargner les zones les plus urbanisées.
- Alourdir les pénalités en cas de non-respect des trajectoires et des couvre-feux : sur ce point, le rapport recommande d'établir des sanctions réellement dissuasives et d'examiner la possibilité d'immobiliser l'avion des compagnies multirécidivistes ou de celles qui ne règlent pas les amendes.
- Délester l'aéroport de Paris-Orly, particulièrement enclavé dans le tissu urbain, en envisageant un report vers l'aéroport de Vatry (Marne) ou à Pithiviers (Loiret), soit via l'aérodrome existant en construisant une nouvelle piste, soit en en construisant un nouveau.
- Renforcer le rôle de la Gendarmerie des Transports aériens (GTA).
- Revoir les CCE pour organiser une vraie gouvernance entre l'Etat, Aéroports de Paris et les collectivités concernées.
- Mettre en oeuvre les communautés aéroportuaires prévues par la loi du 23 février 2004.
- Favoriser les plans de déplacement des entreprises.
- Promouvoir la solidarité territoriale, en mettant en place une péréquation afin de compenser équitablement les nuisances aéroportuaires entre communes.
- Encourager la recherche.
- Réduire les nuisances des hélicoptères : sur ce sujet, les rapporteurs font plusieurs recommandations dont la limitation du nombre d'hélisurfaces dans les zones denses à 15, la délocalisation potentielle de l'héliport de Paris-Issy-les-Moulineaux, la possibilité de confier au préfet la possibilité de limiter le trafic des hélicoptères, la révision des trajectoires et des altitudes de vol, ou la mise en place d'un système d'amendes réellement dissuasives.
A noter que le rapport pourrait aboutir à une proposition de loi. L'idée, lancée par Jean-Paul Chanteguet (SRC, Indre), président de la commission parlementaire, a reçu un accueil globalement favorable des nombreux députés présents lors de la réunion.